Loi d’orientation agricole : présentée avec une jambe de bois, adoptée avec 2 jambes

La loi d’orientation agricole adoptée hier par le Parlement ne constitue pas la révolution tant attendue pour l’agriculture française. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises (voir nos communications précédentes de mai 2024 et septembre 2024), ce texte a évité dans sa rédaction initiale la question essentielle de la compétitivité (dispositions qui auraient pu se retrouver dans un titre V). Toutefois, le passage du texte au Sénat puis la discussion en commission mixte paritaire a permis de l’enrichir de certaines dispositions, notamment en matière de souveraineté alimentaire et de simplification administrative. En bref, parti avec une jambe de bois, le projet de loi agricole marche maintenant avec deux jambes.

Le projet de loi affirme le caractère « d’intérêt général majeur de l’agriculture et de la pêche », ainsi que leur « intérêt fondamental », en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. Les décisions publiques devront également s’inspirer du principe de non-régression de la souveraineté alimentaire. Quelles seront les conséquences juridiques de ces mentions dans de futurs contentieux sur des projets agricoles (par ex . sur des projets de retenues d’eau), seul l’avenir le dira… Cependant, cette reconnaissance ne s’accompagne pas de véritables leviers d’action pour protéger nos filières de la concurrence déloyale ou des distorsions de concurrence.

Parmi les autres mesures annoncées, la loi étend le droit à l’erreur aux agriculteurs, présumant leur bonne foi lors des contrôles administratifs. La qualification de délit  est désormais réservée aux atteintes commises de manière intentionnelle ou par négligence grave. En cas d’atteinte non-intentionnelle, une amende administrative de 450 euros maximum sera encourue. Le texte présume en outre que les atteintes sont non-intentionnelles lorsqu’elles ont été commises pour répondre à des normes.

Un autre volet concerne l’accélération des contentieux liés aux projets de retenues d’eau et d’élevage (bassines, porcheries, poulaillers…). L’objectif affiché est de raccourcir les délais de décision des juridictions administratives et de limiter les recours abusifs qui freinent ces projets. Dans cette optique,  la loi accorde une présomption d’urgence en cas de contentieux autour de la construction de bâtiments d’élevage ou de retenues d’eau. Une disposition qui permet d’accélérer les procédures : les recours contre ces projets devront être purgés en deux ans maximum, contre jusqu’à dix ans aujourd’hui.

Si ces mesures apportent quelques avancées pour le monde agricole, elles restent loin d’une refonte en profondeur des politiques agricoles françaises. Il sera donc indispensable de la compléter avec le vote de la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur »  qui sera discutée début avril à l’Assemblée nationale et qui traite notamment des enjeux de surtranspositions européennes, du rôle de l’Anses et des retenues d’eau (voir notre communication).