Vers la dépendance alimentaire ?

Un récent rapport d’information de la commission des affaires économiques du Sénat a fait l’effet d’une bombe auprès des acteurs du secteur agricole. Laurent Duplomb, sénateur de la Haute-Loire y fait part d’un alarmisme justifié :

« […] Sans le vin et les spiritueux, la France aurait un déficit commercial agricole de plus de 6 milliards d’euros. Il conviendrait davantage de parler du secteur vitivinicole et des spiritueux comme source du troisième excédent commercial français.

[..]L’excédent agricole français tend même à disparaître. Il a ainsi été divisé par deux entre 2011 et 2017 en euros courants, ce qui constitue un recul historique, d’autant plus préoccupant que la tendance semble structurelle.

À ce rythme de décroissance, la France constatera son premier déficit agricole en 2023.

D’où vient ce changement historique ? La diminution de l’excédent est principalement due à la dynamique des échanges intra-européens. En 2018, seuls les échanges avec les pays tiers contribuent à l’excédent commercial8(*), grâce à la vitalité des produits de terroir et des produits de seconde transformation. Il en résulte que la France est probablement d’ores et déjà devenue déficitaire avec les pays européens. »

Pour le secteur des fruits et légumes, le déficit de notre balance commerciale s’accroit année après année :

  • Légumes frais : production totale de 5,4 millions de tonnes (4e producteur européen en volume). La France exporte plus d’1 million de tonnes de légumes, mais demeure cependant très dépendante des importations pour approvisionner son marché. Balance commerciale en 2018 : déficit de 1,1 milliard d’euros et de 970 000 tonnes.
  • Fruits frais : production totale de 2,38 millions de tonnes (4e producteur européen en volume). La France exporte près de 1,1 million de tonnes de fruits frais, mais demeure très dépendante des importations pour approvisionner son marché. En 2018, la France a importé 3,6 millions de tonnes de fruits pour un montant total de 4,7 milliards d’euros. Les fruits pesant le plus en valeur dans ces importations sont les bananes (10 %), les oranges (9 %) et les clémentines (5 %). Balance commerciale en 2018 : déficit de 3,3 milliards d’euros et de 2,55 millions de tonnes.

L’ensemble des points édictés ci-dessous, contribuent à aggraver la situation à des niveaux variables :

  • Des charges trop élevées : le coût horaire française a augmenté de 58% entre 2000 et 2017, deux fois plus rapidement qu’en Allemagne.
  • La surrèglementation dans tous les domaines. Le glyphosate en est un des exemples majeurs. Interdits pour la plupart des usages en France d’ici 2021, il est autorisé sans aucune restriction jusqu’en 2023 dans la plupart des pays européens.
  • De même, la France est l’un des seuls pays à avoir instauré une ZNT riverains.
  • Le soutien affiché de l’Europe à l’expansion de certaines productions en Europe, entrainant un déséquilibre des marchés :  c’est ainsi que le verger polonais a reçu ces dernières années un soutien financier majeur de la part de l’Union européenne pouvant atteindre 80% pour la rénovation ou la création de nouveaux vergers performants.
  • Des normes sanitaires qui ne sont pas les mêmes : Le rapport de Laurent Duplomb précise : « Sur la base des non-conformités constatées par les autorités de contrôl à la suite d’un contrôle physique en 2017, on peut estimer qu’entre 8 et 12 % des denrées alimentaires importées de pays tiers ne respectent pas les normes européennes de production et sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité sanitaire de nos concitoyens. »
  • A noter que le Brexit devrait également entrainer des conséquences encore difficiles à évaluer : pour le secteur des fruits et légumes, la balance commerciale de la France avec le Royaume-Uni est largement excédentaire (+336 M€). Le Royaume-Uni n’exporte, en effet, que peu de fruits et légumes, la majorité de sa production étant destinée au marché national.