Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France appelle le gouvernement à sortir de la décroissance
5 ans pour relever des défis existentiels
Le 10 mai 2022 – Si la crise ukrainienne a remis sur le devant de la scène la problématique de notre souveraineté alimentaire, la campagne présidentielle n’a fait qu’effleurer certains dossiers pourtant essentiels pour l’avenir des filières fruits et légumes.
A quelques jours de la nomination d’un prochain gouvernement, le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France rappelle quelques grands enjeux que le prochain gouvernement devra traiter sous peine de voir disparaître à moyen terme nos exploitations fruitières et légumières.
Une balance commerciale en net déficit et des surfaces de productions en chute libre
L’alerte lancée par le Sénateur de la Haute-Loire Laurent Duplomb en 2019 se vérifie année après année[1] : la France est « un champion agricole mondial », qui va perdre à court terme sa place.
Hors vins et spiritueux, notre balance commerciale agricole est déjà déficitaire et ce déficit ne cesse de se creuser : – 4,6 milliards d’euros en 2019, dont – 3,2 milliards d’euros pour les produits à base de fruits et légumes. En juillet dernier, le Haut-Commissariat au Plan rappelait que « plus de la moitié des fruits et légumes consommés en France est importée, en incluant les fruits et légumes exotiques, contre environ un tiers il y a 20 ans. »[2]. Toujours selon le Haut-Commissariat au Plan, « la surface de l’ensemble du verger français (environ 171 000 hectares en 2019) a diminué de plus de 12 % par rapport à l’année 2000 (environ 195 000 hectares). Pour les vergers de certains arbres fruitiers, le recul des surfaces cultivées est même plus important : – 29 % pour les pommiers depuis 2000, – 34 % pour les cerisiers, – 52 % pour les poiriers et – 59 % pour les pêchers et nectariniers. » Pour les légumes, nous avons perdu en 20 ans 13 % de notre surface de production[3].
Si la crise ukrainienne a « permis » de remettre l’enjeu de notre souveraineté alimentaire au cœur du débat public, les producteurs attendent des pouvoirs publics qu’il soit réellement traité en profondeur et non oublié sitôt la crise réglée. La courbe de notre déficit commercial agricole doit s’inverser dans les cinq ans à venir !
Un jeu de la concurrence (européenne) injouable
Faire toujours plus avec toujours moins constitue une impasse dans laquelle il est d’autant plus difficile de s’extraire que la France est passée maître dans la surtransposition des normes européennes. Chaque grande échéance électorale est l’occasion pour quasiment l’ensemble des candidats de rappeler ce refrain : « pas de surtransposition ; pas d’interdiction sans alternative ». Engagement remisé au placard dès les premières pressions de certains lobbies environnementalistes. Les derniers mandats présidentiels ont vu se succéder les interdictions d’usage à une vitesse frénétique. 40 % des usages en arboriculture sont désormais qualifiés d’orphelins, c’est-à-dire sans solution de protection existante ou homologuée. La révision de l’arrêté « abeilles », doublée de la création récente de juridictions environnementales placent les producteurs dans une insécurité juridique et personnelle totale. Quels autres pays européens ont adopté de telles réglementations ?
La France, championne du monde du coût de la main d’œuvre
La France peut s’enorgueillir d’une production de qualité, mais elle ne peut pas répondre à la double exigence du toujours mieux et moins cher. Comment être compétitif avec des coûts de main-d’œuvre 60 % plus élevés qu’en Pologne, 22 % plus élevés qu’en Allemagne, 94 % plus élevés qu’au Maroc ? La reconduction du dispositif d’allègement de charges TO-DE annoncée par le candidat Emmanuel Macron est évidemment une bonne nouvelle mais loin d’être suffisante. La plupart des filières souffrent également de très fortes tensions de recrutements. Ces difficultés ont été mises en exergue au début de la crise COVID : sans main d’œuvre étrangère européenne et extra-européenne, elles seraient dans l’incapacité de produire.
Comment peut-on convaincre des jeunes de s’engager dans la filière dans un tel contexte ? Changements incessants de réglementation, risques de garde à vue au moindre épandage, problématiques de voisinage, absence même de véritable formation, risques climatiques croissants, autant de facteurs qui transforment les métiers de maraîcher, d’arboriculteur…en véritable sacerdoce que peu souhaitent endurer.
Face à ce tableau noir, certains militants pensent avoir trouvé la solution miracle : « passer au 100 % bio et 100 % local » ; privilégier les « petites exploitations paysannes », « interdire les pesticides », « recruter 300 000 paysans ». Ce « remake » de « Martine à la ferme » est totalement illusoire et ne fera que renforcer notre dépendance alimentaire.
Certes, l’élaboration d’un plan de souveraineté français et européen « fruits et légumes » est un signe positif du gouvernement. Cependant, les producteurs avertissent qu’il ne se contenteront pas de mesures conjoncturelles et que des mesures financières ne résoudront que très partiellement leurs difficultés. Au final, ils ne demandent pas un seul euro de plus à l’Etat, mais simplement qu’on les laisse produire !
[1] La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? , Rapport d’information de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques n° 528 (2018-2019) – 28 mai 2019
[2] Haut-Commissariat au Plan, L’agriculture : Enjeu de reconquête, 9 juillet 2021
[3] 303 300 ha en 2017 ; 262 004 ha en 2017. Source : Fédération nationale des Producteurs de Légumes de France, Rapport d’activité 2020