Mise au point sur les « producteurs qui cultivent sans eau »

La sécheresse que connait la France depuis plusieurs mois et les températures caniculaires de cet été ont constitué d’immenses défis pour les producteurs de fruits et légumes. En conventionnel ou en bio, du nord au sud de la France, les rendements ont été amputés sur tout l’hexagone, pour les fruits comme pour les légumes – de 30 à 35 % en moins pour les légumes selon Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France.

Dans ce contexte, certains journalistes qui n’ont probablement jamais cultivé une carotte de leur vie ont cru bon de faire le buzz » en mettant en avant des professionnels qui cultivent « sans eau », dernièrement Marco Mascetti (Essonne) à Pascal Poot (Hérault), ce dernier détenant sans doute la palme de l’exposition médiatique depuis quelques années avec son « potager de la santé ».

Or, par « sans eau », il faut évidemment comprendre « sans irrigation », une différence évidente qui échappe à beaucoup, en premier lieu à nos journalistes.

Critiqué après la publication d’un reportage dans Le Parisien, le maraîcher « star » Marco Mascetti a dû lui-même, avec son épouse Arlette, dénoncer ces raccourcis journalistiques graves : « Dès le titre, c’est faux. On n’a jamais dit qu’on cultivait sans eau, mais bien sans irrigation, ce n’est pas du tout la même chose ! ». Le maraîcher basé à Marcoussis a fait le choix de rendements bien moindre, voire nuls pour plusieurs légumes certaines années. Déjà en 2015, il confiait à France 3 qu’« en vingt-huit ans, on a dû réussir à peine une dizaine de saisons de tomates […] cette année, on en a, mais on ne sait pas combien de temps ça va durer ». Un modèle qui est clairement une impasse économique à quelques exceptions près : en l’occurrence Marco Mascetti vend sur quelques marchés parisiens à une clientèle au fort pouvoir d’achat.

Allons maintenant dans l’Hérault chez un autre maraîcher star.  Pascal Poot, « paysan » star de YouTube lui aussi n’irrigue pas ; sa production de légumes varie donc énormément d’une année à l’autre. Une variation qu’il parvient à surmonter économiquement, car il ne vent plus ses légumes, mais en prélève les graines pour en faire des semences destinées, elles, à la vente, essentiellement sur internet. Un modèle là encore de niche qui peut supporter des rendements bien plus faibles et aléatoires d’autant plus que Pascal Poot propose par ailleurs des stages et des formations payantes toute l’année.  

Certains média, imbibé d’une vision de l’agriculture de type « Martine à la ferme » ou « potager amélioré » s’évertuent à nous faire croire que ces deux modèles « sans irrigation » sont duplicables, peuvent nourrir les Français et rémunérer convenablement les producteurs. Nous le réaffirmons ici : c’est faux. C’est faux et même dangereux. Notre pays a déjà une balance commerciale fruits et légumes déficitaire, autrement dit, nous avons besoins d’importations de fruits et légumes pour nous nourrir. Peut-on imaginer notre avenir alimentaire avec les rendements de la ferme du Grand Père de Martine ?