ZNT Riverains : les producteurs de fruits et légumes appellent le gouvernement à repartir des réalités de terrain
Le 9 septembre 2021 – En ordonnant au Gouvernement de revoir sa copie sur les ZNT Riverains (zones de non-traitement), la décision du Conseil d’Etat place de nouveau les producteurs de fruits et légumes dans un grand flou réglementaire. Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France appelle les Ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique à prendre le temps nécessaire de concertation avec les filières avant de présenter une nouvelle copie. Impératif : concilier protection des cultures, sécurité sanitaire, production de qualité et dignité des producteurs avec un revenu décent.
Perte de revenus
Concrètement, la décision du Conseil d’Etat revient sur les distances minimales de sécurité de 10 mètres pour les cultures hautes et de 5 mètres pour les cultures basses prévues par l’arrêté du 27 décembre 2019 pour les produits qui ne sont que suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR2) et donc pour lesquels ces effets ne sont pas avérés pour l’Homme. Ce qui équivaut à imposer des ZNT Riverains supérieures à 10 mètres pour toutes les cultures, y compris les cultures pérennes implantées pour plusieurs dizaines d’années.
Parmi ces cultures, les fruits et légumes sont particulièrement ciblés. Comment par exemple faire reculer de 10 mètres un verger de poires centenaire sans le détruire en partie parce qu’un lotissement nouveau a été construit sur la parcelle voisine ? Les producteurs n’auront d’autre choix que de se passer de protection phytosanitaire ou de se priver d’une surface de production importante. Dans les deux cas, ils seront perdants avec une baisse drastique de leur production, et une remise en cause totale de l’équilibre économique de leurs exploitations. Cerise sur le gâteau, cette décision intervient alors que l’année est marquée par des gelées printanières historiques et une pression des maladies fongiques aux conséquences désastreuses (ex. : mildiou sur pommes de terre, tomates…).
Aggravation des distorsions de concurrence
Le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France rappelle que notre pays est l’un des seuls au sein de l’Union Européenne à avoir institué le principe de zones de non-traitement riverains. Cette réglementation, potentiellement aggravée suite à la décision du Conseil d’Etat, s’ajoute à de très nombreuses autres distorsions de concurrences phytosanitaires, environnementales et sociales, qui sont autant de boulets aux pieds des seuls producteurs français de fruits et légumes. Comment espérer regagner notre souveraineté alimentaire en imposant mois après mois de nouvelles contraintes réglementaires inapplicables que nos principaux concurrents européens n’ont pas ?
Quel avenir pour les zones non traitées ?
Si l’application de la décision du Conseil d’Etat va générer de nouvelles et graves distorsions de concurrence avec les pays étrangers, la question du devenir de ces surfaces non traitées va également se poser. Les producteurs seraient contraints d’en assurer l’entretien pour éviter notamment la prolifération d’espèces invasives ou allergènes comme l’ambroisie qui affecte 6 à 12 % de la population. Sous prétexte d’intérêt général supposé, ils seraient expropriés de leurs terres agricoles sans aucune indemnisation et devraient les entretenir sans aucune rémunération. Une double peine pour eux !
Repartir des réalités de terrain
L’avis de l’Anses du 14 juin 2019 sur lequel se base la décision du Conseil d’Etat pose aujourd’hui question. En 2019, l’Anses précisait en effet[1] : « Ces estimations se basent sur des modèles d’exposition définis à partir de mesures dans les conditions réelles d’utilisation sur différents types de cultures. Ces modèles ont été établi avec des matériels de pulvérisation qui sont aujourd’hui considérés comme peu performants en ce qui concerne la réduction de la dérive. Ainsi, les estimations des expositions peuvent être considérées comme des « pires cas ». L’actualisation de la méthodologie de l’EFSA en cours permettra de prendre en compte de nouvelles données d’exposition mesurées avec des matériels de pulvérisation les plus récents. » Si les matériels de pulvérisation considérés par l’Anses dans son avis sont jugés « peu performants », qu’en est-il aujourd’hui des matériels homologués pour une réduction de la dérive ou de l’utilisation des buses anti-dérive réduisant fortement la dérive des traitements phytosanitaires ? Ces évolutions rendent nécessaires une mise à jour de l’avis de l’Anses d’ici la fin de l’année afin que le gouvernement puisse le prendre en compte dans le cadre de toute nouvelle réglementation. Outre l’évolution des matériels de pulvérisation homologués pour la réduction de la dérive, cet avis devra intégrer les effets des haies, déjà considérées comme protectrices des cours d’eau.
Dans les quelques mois qui restent au Gouvernement pour élaborer une nouvelle réglementation, le Collectif Sauvons les Fruits et Légumes de France appelle donc à la prise en compte des données scientifiques, techniques et agronomiques les plus récentes possibles ainsi que de l’ensemble des contraintes économiques des producteurs. Le Collectif demande également que des dispositions s’imposent pour que les ZNT soient intégrées à toute nouvelle parcelle rendue constructible pour stopper la consommation de terres agricoles productives. Sans céder à la pression d’ONG montant bien souvent en épingle des conflits ne reflétant pas une situation globalement apaisée…
[1] https://www.anses.fr/fr/content/la-protection-des-riverains-lors-de-l%E2%80%99utilisation-des-produits-phytosanitaires-les-travaux