Arrêtons de vouloir penser et décider pour les agriculteurs, faisons leur confiance !

Tribune de Daniel Sauvaitre, porte-parole du Collectif Sauvons les fruits et légumes de France, et arboriculteur

Dans une tribune intitulée « Pesticides et santé humaine » publiée le 14 octobre 2022 dans Ouest France, les deux chercheurs Jean-Noël Jouzel, directeur de recherche au CNRS et Giovanni Prete, maître de conférences Université Sorbonne Paris Nord exposent une thèse à la mode. Il faudrait « repenser le modèle productif agricole et aider les exploitants à se déprendre des pesticides ». 

Alors que la France était encore dépendante du blé étranger dans les années 1950 pour produire son pain, c’est la grande victoire de ce système agricole productif qui nous permet encore aujourd’hui de consommer notre baguette quotidienne cuite à partir de blés produits dans nos champs.

Ces dernières années, il est bon ton de remettre en cause ce modèle et d’y vouloir en opposer un autre. Mais au fait quel est vraiment ce modèle idéalisé auquel on veut nous faire rêver ? Dans ce « modèle », le « petit » remplacerait le « grand », le local deviendrait le critère de réussite face à l’export, le « bio » viendrait détrôner le « conventionnel ». Un système manichéen fait d’oppositions, qui mène l’ensemble de notre système agricole dans l’impasse, au détriment de tous.

La souveraineté alimentaire française : un lointain souvenir ?

Les tenants d’un changement de « modèle » ont donc une fâcheuse tendance à caricaturer notre agriculture en système productiviste voué en priorité à l’export. Hélas et depuis de nombreuses années, non seulement la France n’exporte plus de nombreuses productions agricoles mais peine à nourrir ses propres habitants. Illustration avec les fruits et légumes : aujourd’hui, plus de la moitié de notre consommation est importée. La faute à une stratégie politique menée depuis le début des années 2000, qui au lieu de faire le pari de la coexistence de plusieurs modèles agricoles ne parie maintenant que sur la stratégie de la « montée en gamme » qui non seulement ne nourrit que quelques classes aisées de la population mais ouvre grandes les vannes de notre pays à un bas de gamme importé ne répondant même pas aux critères de production, notamment environnementaux, que la France s’impose.

Une agriculture moderne qui nous nourrit sainement

Face aux discours plus alarmistes les uns que les autres, il faut le rappeler haut et fort : si aujourd’hui les Français bénéficient d’une alimentation en quantité qu’ils peuvent consommer sans risque d’intoxication alimentaire, c’est grâce à cette agriculture moderne que les agriculteurs français ont développée. Si aujourd’hui ces mêmes agriculteurs travaillent ont une espérance de vie supérieure à la moyenne de la population générale, c’est aussi grâce à cette agriculture moderne.

Machinisme, techniques agronomiques, protection phytosanitaire, digitalisation sont aujourd’hui nos outils. Et c’est une bonne chose !

Des risques maîtrisés

Concernant le sujet complexe des pesticides, il est courant de présenter les agriculteurs comme « victimes » d’un système. Une posture parfois à la limite de la condescendance : les agriculteurs seraient aux mains de firmes de l’agrochimie.

Nul ne peut mener une culture sans en prendre en soin et sans la protéger. Les agriculteurs connaissent parfaitement les conséquences des aléas climatiques et les ravages des maladies ou des insectes ravageurs sur leur récolte. Ils savent maîtriser les produits phytosanitaires en les utilisant quand il le faut et suivant le bon dosage. Ils font confiance aux autorités sanitaires françaises et européennes, qui contrairement à ce que nous fait croire certaines postures complotistes font preuve d’une indépendance claire par rapport aux « lobbys ». Loin d’être enfermés dans leurs tracteurs, les agriculteurs sont aussi à l’écoute de la demande d’une agriculture toujours plus respectueuse de l’environnement, mais toujours capable de nourrir les Hommes. Arrêtons de vouloir penser et décider pour eux, même avec les meilleures intentions. Faisons leur confiance !